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Le blog philosophique de francois CHARLES

Réjouissons-nous ! l’Indonésie achète européen

22 Juin 2021 , Rédigé par francoischarles Publié dans #défense

lendemain de l’annonce de l’achat de frégates FREMM italiennes par l’Indonésie, construites par Fincantieri, on lit que la DGA et le gouvernement français se seraient émus sans trop de réaction de NavalGroup qui misait beaucoup sur les pays émergents. Reste à savoir de quel coup de théâtre il s’agit. C’est oublier l’achat précédent d’avions Rafale par ce même pays, une certaine attitude de chevalier blanc pour l’Europe, les réalités du programme FREMM avec l’OCCAR, celles de la JV Naviris, du contrat export et de deux anciens contrats brésilien et belge dans une moindre mesure. Mais heureusement, certaines réactions constructives existent pour aller de l’avant.

Par François CHARLES

Ancien responsable d’affaires industrielles à la DGA, économiste, conseil en stratégie et management, intelligence économique, affaires européennes et internationales.

Cette grimace française est-elle bien européenne ? Le pays se définissant le plus actif doit-il décider de tout dans cette Europe unie dans la diversité surtout dans l’armement et la haute technologie, même avec les essais d’intégration du Fonds Européen (de R&D de défense), ou ne faut-il pas plutôt se réjouir du chant du coq cette italien, qui chante d’ailleurs apparemment comme le Français, et pour certain opérer à un « refresh » salvateur.

Faut-il un Airbus naval, comme le réclame H. Guillou, peut-être désormais à nouveau possible avec cette fois la douce violence de politique industrielle de la Commission européenne, qui rappelle parfois qu’elle applique la volonté des Etats qui avaient créé Airbus. Cette anomalie juridique sans concurrence intra-européenne avait certes été créée essentiellement pour construire un champion d’avions civils, où l’on fait néanmoins la guerre tous les jours, certes commerciale, et où les coûts et les prix sont normalement plus bas en coopération, ce qui est encore loin d’être le cas dans la défense, avec une certaine valorisation immatérielle de la notion de souveraineté.

Il y a quelques années, je publiais un article saluant la vente d’avions « européens » Gripen au Brésil, réussissant ensuite à faire assimiler la notion de concurrence intelligente et relancer les coopérations entre la France et la Suède, soupçonnée de faire un double jeu, en oubliant parfois le sien comme avec les Etats-Unis. Après les achats diversifiés de la Belgique, nous avons hélas bien vu aussi le côté frustré et fermé du ministère français des armées lors de deux articles et conférences sur le sujet, souvent d’ailleurs en divergence de vue avec le MAE. Les réactions doivent-elles être identiques dans le domaine naval entre la France et l’Italie, qui mérite une écoute active de chaque instant pour ne pas relancer la délicate roue de l’interdépendance à chaque problématique ? Peut-être faut-il mieux s’assurer de la prise en compte de certaines réalités et la réalisation de certains deuils mieux faits pour éviter certaines émotions, croyances, voire généralités et en profiter pour faire une différence au sein des partenariats, entre alliances et coopérations à travers une vraie politique générale et ses quatre piliers de stratégie, d’identité, de structure et de prise de décision avec des grilles de lecture de pilotage et de rentabilité des investissements.

Le programme FREMM de frégates multi-rôles pour la France et l’Italie, a été confié à l’OCCAR, qui défend un management fort et se revendique comme étant une organisation à vocation internationale, dans son développement, la production et la maintenance initiale mais hélas pas sur le cycle de vie de maintenance globale, pourtant vecteur d’optimisation conséquent, même si revu lors de possibles modernisations. Il a été prévu 2 versions anti sous-marine et anti-aérienne, selon le choix de ses partenaires clients, comme pour le Tigre franco-allemand, avec ses avantages de complémentarité mais ses risques en matière de gestion de configuration, comme pour le Transall et de frustration si un client externe choisi une certaine version, ce qui vient donc d’arriver avec l’Indonésie.

NavalGroup, d’une part, surtout positionné dans le militaire, comme Nexter dans le terrestre, et Fincantieri d’autre part, à la fois civil et militaire comme Rheinmetal dans le terrestre, voire avec Arquus positionné défense mais avec la puissance du groupe Volvo), apprennent à se connaître depuis 20 ans sans expliquer ouvertement quelles sont les forces et faiblesses complémentaires et sans apparemment pouvoir résoudre les points durs. Les différents commentaires suite aux autres événements entre les deux groupes ne vont pas sans rappeler les ressentis différents de chaque côté du Rhin, après le rapprochement beaucoup plus structurel entre Nexter et KMW, de type PSA pour l’automobile, mais misant aussi sur les synergies de recherche, comme quand il faut une revanche après une soit-disant défaite et perte d’identité.

Le projet Poseïdon, devenu la Joint Venture Naviris, a été créé pour partager les bonnes pratiques, mener des projets des recherche et développement « sélectionnés », notamment avec l’OCCAR sur le programme FREMM ainsi que le rétrofit à mi-vie des frégates Horizons françaises, et préparer conjointement des offres pour des programmes binationaux et les marchés à l’export. Reste à savoir si les deux industriels avaient choisi de chasser en meute ou en escadre. On peut donc imaginer que NavalGroup savait, sans imaginer que son partenaire puisse lui avoir caché la copie, sauf à penser que le contrat de mariage ou de cohabitation était réduit aux acquêts uniquement communs.

S’agissant du contrat, sans trop dévoiler d’informations, imaginons tout de même que les deux constructeurs aient discuté ensemble en prenant en considération le choix du client et qu’ils pourront sans doute progresser avec les synergies de R&D « European by design », sans forcément encore imaginer un vrai rapprochement, qui n’est pas forcément utile, mais qui serait sans doute plus bénéfique à NavalGroup pour les compétences civiles apportée par Fincantieri. Imaginons que le client aura peut-être aussi choisi une maintenance associée entre les deux partenaires sauf pour les pièces initiales, avec des concepts optimisés notamment sur la 3D et les nouveaux processus continus en fil des pannes. Imaginons que les offsets, ou contreparties industrielles, toujours autorisées pour l’export et vecteurs de coopération sous-jacente sans remplacer, si possible, les sous-traitants, ont été négociés de façon commune avec éléments issus des deux partenaires, ce qui pourrait faire date en terme de bourse commune, surtout au niveau européen et pour faciliter de façon indirecte les structurations industrielles, comme l’ancien essai incompris de synergie sur les offsets en France entre tous les syndicats professionnels et les PME de défense, les dynamiques des uns pouvant aider à celles des autres.

Enfin, et pour revenir au contrat des Rafales, et même s’il ne s’agit pas de porte avion, imaginons, par un coup de baguette magique, mais réaliste et réalisable, une valorisation des liens entre Dassault Aviation et la marine en tentant enfin d’avancer sur « un seul écran » avec une opportunité de label export pouvant aussi servir au marché européen pour se développer.

 

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